La mention Made in France fleurit partout… Au-delà de l’ironie de cette expression (in English…) qui reprend les codes internationaux de la provenance des produits, de quoi parle-t-on lorsqu’on parle d’un produit Made in France ? À l’heure où les enjeux de la consommation locale sont de plus en plus vitaux, faisons un tour dans les subtilités des revendications d’origine.
Le langage du Made in France
Fabriqué en France, Conçu en France, Design français, Made in Chez Nous, Entreprise française, drapeau bleu-blanc-rouge imprimé sur l’emballage… Nos yeux de consommateurs se font le relais de nos envies citoyennes et de notre conscience grandissante sur l’importance de la production Cocorico.
Pressés le plus souvent lorsque nous faisons les courses, distraits lorsque nous naviguons sur internet, sur-stimulés lorsque nous parcourons les réseaux sociaux… Dans ces contextes saturés de notre quotidien, on s’attarde peu à scanner les produits que nous choisissons. Et pour cause ! Notre cerveau est conditionné pour faire des raccourcis nous aidant à prendre des décisions. Et les astuces ne manquent pas pour faire appel à ces réflexes de notre cerveau. Phrases plus ou moins subtiles ou informations partielles jouent avec notre entendement.
Made in où donc ?
Être fabriqué en France, aujourd’hui, c’est un solide argument de vente. Plus que jamais après ces quelques mois troublés, où le besoin de ressources locales a été mis à jour de façon si flagrante. Les initiatives citoyennes et engagées se multiplient, et c’est une très bonne nouvelle.
Ceci dit, dans la même logique que le greenwashing, il existe aujourd’hui un phénomène appelé le frenchwashing – ou francolavage pour respecter notre langue, néologisme proposé par la @FIMIF. Quand on sait qu’un Français sur quatre est prêt à payer plus cher un produit français, on comprend la tentation des marques… Mais qui décide d’apposer l’origine française des produits ?
Et bien, ce sont les marques elles-mêmes. Ces appellations ne font l’objet d’aucun contrôle antécédent. Ce sont des expressions dites auto-déclaratives. Il est possible, dans l’absolu, de commercialiser une mangue sous le nom de La Mangue Française et de dire qu’elle vient de France. On peut tout dire.
Pas de contrôle ?
Si, des contrôles existent. Mais seulement en cas de dénonciation expresse auprès des Douanes ou de la Répression des Fraudes. Les premiers se chargent des produits passant la frontière, les seconds du territoire national. Et que constate-t-on en cas de dénonciation ?
- 25% des cas environs sont dus à une mauvaise interprétation de la personne qui a signalé la marque / le produit. Par exemple, un tee-shirt ayant subi une transformation en France peut indiquer sur son emballage « tee-shirt imprimé en France ». Seule l’impression a été réalisée sur le territoire, mais en l’occurrence cette formulation n’est pas trompeuse. Elle est claire et ne prétend pas être ce qu’elle n’est pas.
- 10% sont des cas de tromperie avérés. Ces cas arrivent par exemple pour des produits totalement importés, mais sur lesquels le distributeur se trouve en France et décide donc d’en faire l’origine du produit. Dans ces cas, si la marque n’est pas en mesure de justifier sa fabrication française selon les critères du code des Douanes, le contrôle effectué par la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) conclut à une tromperie et peut imposer une sanction allant d’une amende à une peine de prison avec sursis.
- Et pour les autres 65 % ? On est la plupart du temps dans une démarche de francolavage. Ce sont des situations où le bénéfice du doute est accordé sur l’intention de l’auto-allégation. On peut par exemple trouver les couleurs emblématiques bleu-blanc-rouge sur l’emballage du produit, accompagné ou non de la mention « conçu en France », et trouver en tout petit à l’arrière le lieu de fabrication du produit – à l’autre bout du globe. Ou pas, selon la classe des produits. Dans ces cas, la DGCCRF demande à la marque de corriger les allégations pouvant tromper les consommateurs.
Mais qu’aura retenu le client face au produit ? Le cerveau, prévu pour nous faire gagner du temps, n’aura retenu que le code couleur et le mot France. Et voilà.
Alors que faire ?
On n’a pas le temps de monter un dossier d’étude sur chaque produit avant de l’acheter. Personne. Certaines applis nous proposent de naviguer parmi les allégations éco-responsables, et l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) encadre les assertions liées aux composants de certaines classes de produits (notamment alimentaires et cosmétiques), mais pas l’origine des produits.
La mention Made in France, on l’a vu, peut être utilisée par toutes les marques, à leurs risques et périls.
C’est dans l’objectif d’apporter une transparence sur le cheminement des marchandises qu’est né le label Origine France Garantie.
Aujourd’hui, c’est le seul label certifié par des organismes indépendant qui exige un cahier des charges clair. Pour le remplir, un produit doit notamment pouvoir justifier que 50% minimum de son prix de revient est français. De plus, le produit doit prendre sa caractéristique essentielle en France.
Les critères du label Origine France Garantie permettent d’y voir clair sur la génération de valeur ajoutée au sein de l’économie du territoire français.
C’est plus complexe
Dans les faits, le détail des critères d’obtention des labels Made in France et Origine France Garantie est complexe. Ce qui reste sûr, c’est que le label Origine France Garantie est à l’heure actuelle le repère le plus fiable, qui prend en compte l’intégralité de l’origine du produit et de ses étapes de transformations. C’est aujourd’hui la seule possibilité de distinguer un produit pas forcément 100% français, mais ce qui s’en rapproche le plus.
En bref, à retenir pour répondre aux critères du label :
- Au moins 50% du prix de revient (somme des coûts supportés pour la production d’un bien ou d’un service) du produit doit être français ;
- Le produit doit prendre sa caractéristique essentielle (l’étape sans laquelle le bien ne serait pas utilisable pour sa fonction prévue) sur le territoire français.
Loin d’un exposé juridique, cet article est surtout l’occasion de soulever la question de la compréhension du consommateur sur les produits qu’il achète.
Celui-ci, de plus en plus en demande de transparence – légitime – finit souvent sans s’en rendre compte par se perdre encore plus.
Finalement donc, de quoi parle-t-on lorsqu’on parle d’un produit « Made in France » ?
Est que le « Made in France »* nous parle de consommateurs qui ont envie d’acheter français et local pour des raisons économiques et écologiques ? Des entrepreneurs qui ont envie de se battre et de mettre en avant la légitimité de leur produit ? Ou du marketing, tel qu’il est dans sa nature profonde, qui se chargera de vendre des produits et des services – et où la fin justifie souvent les moyens ?
Si vous souhaitez tout savoir sur nos propres procédés de fabrication, rendez-vous ici.
* Si vous avez bien suivi l’article, vous comprendrez l’utilisation des guillemets…
Remerciements à Amandine Hesse, qui nous a aidé pour cet article dans le cadre de son action au sein de la FIMIF.